Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol17.djvu/442

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion dans laquelle il se trouvait, ainsi entouré d’ennemis ? Toujours est-il que son émotion gagna la majorité des gentilshommes, et que Lévine ressentit de la tendresse pour Snetkov.

Dans la porte, le maréchal de la noblesse se rencontra avec lui.

— Pardon, — excusez-moi, je vous prie, dit-il, comme s’il avait affaire à un inconnu ; mais reconnaissant Lévine il sourit timidement.

Il sembla à Lévine qu’il voulait dire quelque chose que l’émotion l’empêchait d’exprimer. L’expression de sa physionomie et de toute sa personne, en uniforme décoré et culottes blanches galonnées, rappela à Lévine, au moment où il marchait hâtivement vers lui, l’attitude de l’animal traqué à la chasse qui se sent en danger. Cette expression du visage du maréchal de la noblesse toucha d’autant plus Lévine que, la veille encore, il était allé chez lui pour ses affaires de tutelle et l’avait vu dans son rôle de brave père de famille. La grande maison aux meubles démodés, les vieux valets dépourvus d’élégance, pas très soignés mais très respectueux, évidemment d’anciens serfs qui n’avaient pas changé de maître ; l’épouse, grosse, bonasse, en bonnet de dentelle et châle turc, qui caressait sa jolie petite-fille, l’enfant de sa fille ; le fils, un beau garçon, lycéen de sixième, qui rentrant du lycée vint baiser la grosse main de son père ; les paroles douces et les gestes importants du