Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol17.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur donna les cierges, s’éloigna lentement et prit l’encensoir. « Est-ce bien vrai ? » pensa Lévine ; et se retournant il regarda sa fiancée. Plusieurs fois il l’avait vue de profil et aux mouvements de ses lèvres et de ses cils il avait remarqué qu’elle sentait son regard. Elle ne remua pas la tête, mais sa grosse ruche s’agita et remonta jusqu’à sa petite oreille rose. Il comprit qu’elle étouffait un soupir et vit que sa main, haut gantée, qui tenait le cierge, tremblait. Tous les tracas avec la chemise, le retard, les conversations des amis et des parents, leur mécontentement, sa situation ridicule, tout cela disparut d’un coup et il se sentit heureux et ému.

L’archidiacre en robe d’argent, un bel homme aux cheveux frisés, s’avança majestueusement et d’un geste familier, soulevant l’étole de ses deux doigts, s’arrêta devant le prêtre.

— Sei… gneur… bé… nis… sez-nous ! prononca-t-il lentement ; et ses paroles résonnèrent solennellement dans l’air.

— Que le Seigneur Dieu vous bénisse, maintenant et dans tous les siècles des siècles, répondit d’une voix douce et chantante le vieux prêtre, tout en continuant à manipuler quelque chose près du lutrin.

Puis, remplissant toute l’église, jusqu’aux voûtes, s’élevèrent dans l’air les accords d’un chœur invisible, d’abord larges et pleins, qui gran-