Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol17.djvu/366

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’aime telle qu’elle est et non telle qu’on désirerait qu’elle fût.

Anna détourna les yeux du visage de son amie et les fermant à demi (c’était une nouvelle habitude que Dolly ne lui connaissait pas), elle devint pensive, semblant réfléchir au sens de ces paroles ; puis les ayant interprétées à sa façon elle regarda de nouveau Dolly.

— Si tu avais des péchés, dit-elle, ils te seraient remis en faveur de ta visite et de ces paroles.

Dolly aperçut des larmes dans les yeux d’Anna. Elle lui serra la main.

— Eh bien, qu’est-ce que c’est que toutes ces constructions ? Combien y en a-t-il ? demanda-t-elle encore après un court silence.

— Ce sont les habitations des employés, l’usine, les écuries, répondit Anna. Voici où commence le parc. Tout cela avait été fort abandonné, mais Alexis a tout fait restaurer. Il aime beaucoup cette propriété, et, à mon grand étonnement, l’agronomie le passionne. D’ailleurs c’est une si riche nature ! Quoiqu’il entreprenne il y excelle. Non seulement il ne s’ennuie pas, mais il travaille avec passion. Tel que je le connais il est devenu un propriétaire économe, presque avare, mais il ne l’est qu’en agriculture, car il ne compte pas quand il s’agit de dizaines de mille roubles pour d’autres choses, dit-elle avec ce sourire joyeux et rusé qu’ont souvent les femmes en parlant des qualités de l’homme aimé,