qu’elle pouvait plaire encore. Elle pensa à Serge
Ivanovitch, qui se montrait particulièrement aimable
avec elle, à l’ami de Stiva, le bon Tourovtzine,
qui, par amour pour elle, l’avait aidée à soigner
les enfants pendant la scarlatine ; elle se
rappela même un tout jeune homme à propos
duquel son mari avait dit une fois en plaisantant
qu’il la trouvait plus belle que ses sœurs. Et les
romans les plus passionnés et les plus impossibles
se présentaient à l’imagination de Daria Alexandrovna.
« Anna a eu raison, ce n’est pas moi qui lui ferai des reproches. Elle est heureuse, elle a fait le bonheur d’un autre ; elle n’est pas esclave comme moi, elle doit être, comme toujours, belle, intelligente et pleine d’intérêt pour toute chose », pensa Daria Alexandrovna. Un sourire effleura ses lèvres car le roman d’Anna suscitait à son imagination un roman analogue dont elle-même serait l’héroïne. Comme Anna elle avouerait tout à son mari, et elle sourit en songeant à l’étonnement, à la stupéfaction qu’il en ressentirait.
Ce fut plongée dans de pareilles rêveries qu’elle arriva au tournant de la route qui menait à Vozdvijenskoié.