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Malgré la saleté de l’isba, augmentée encore par les chaussures des chasseurs et leurs chiens qui se roulaient sur le parquet, malgré l’odeur de marais et de poudre dont l’isba s’imprégna, et le manque de couteaux et de fourchettes les chasseurs prirent le thé et mangèrent avec un appétit qu’on ne connaît qu’à la chasse. Après s’être nettoyés ils allèrent dans une grange à foin où les cochers leur avaient préparé des lits.

La nuit était déjà venue, mais les chasseurs n’avaient pas encore sommeil. La conversation qui hésita d’abord entre le récit de souvenirs et d’exploits des chiens et la chasse tomba enfin sur un sujet qui les intéressait tous. L’enthousiasme de Vassenka pour la beauté de cette soirée, l’odeur du foin, la simplicité des paysans qui lui avaient offert de l’eau-de-vie, les chiens, couchés chacun aux pieds de leur maître, incitèrent Oblonskï à raconter les délices d’une chasse chez M. Malthus, à laquelle il avait assisté l’année précédente.

Ce Malthus était un entrepreneur de chemins de fer, excessivement riche. Stépan Arkadiévitch décrivit les immenses marais gardés dont il était propriétaire dans la province de Tver, le luxe des voitures qui amenaient les chasseurs, les tentes dressées près des marais pour le déjeuner.

— Je ne te comprends pas, dit Lévine se soulevant sur son foin ; comment ces gens-là ne te sont-ils pas odieux ? J’admets qu’il soit agréable de dé-