des allumettes s’enflamma, et la fumée odorante
du cigare en un nuage flottant s’élança en avant et
en haut, au-dessus du bouquet de noisetiers. En
suivant des yeux la fumée, Serge Ivanovitch s’avança
à pas lents, et se livra à ses réflexions. « Pourquoi
pas, pensa-t-il. Si c’était le coup de foudre ou de la
passion, si ce n’était pas une inclination réciproque…
(Oui, je puis dire réciproque). Si je sentais
qu’elle est en complet désaccord avec toute ma vie…
qu’en m’y abandonnant je trahis ma vie et mon
devoir… Mais non, il n’y a rien de cela. La seule
objection possible c’est la promesse que je me suis
faite, en perdant Marie, de rester fidèle à son souvenir… »
se disait Serge Ivanovitch ; mais il sentait
bien que cette considération n’avait d’autre
importance que celle de compromettre le rôle poétique
qu’il jouait aux yeux du monde.
« À part cela, j’ai beau chercher, je ne trouve rien à opposer à mon sentiment. En ne me guidant que de ma raison, je ne pourrais trouver mieux ? »
Il avait beau évoquer le souvenir des femmes et des jeunes filles qu’il connaissait, il n’en trouvait aucune qui répondît mieux que Varenka à tout ce qu’il cherchait dans celle qu’il épouserait. Elle avait le charme et la fraîcheur de la jeunesse sans en avoir l’enfantillage ; et si elle l’aimait c’était comme doit aimer une femme. C’était un point. En outre elle n’aimait pas le monde et le fuyait, mais elle en avait l’usage et possédait toutes les