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Elle alla acheter des jouets et fit son plan : elle viendrait le matin de bonne heure, à huit heures, avant qu’Alexis Alexandrovitcb ne fût levé ; elle aurait l’argent tout prêt pour le suisse et le valet afin qu’on la laissât monter, sans lever son voile, se disant envoyée par le parrain de Serge pour déposer les jouets sur son lit. Elle ne préparait pas ce qu’elle dirait à son fils ; elle avait beau y penser, elle ne pouvait rien définir.

Le lendemain, vers huit heures du matin, Anna descendit de voiture, et sonna au grand perron de son ancienne demeure.

— Va donc voir qui est là. On dirait une dame, dit Kapitonitch qui n’était pas encore habillé, et, en paletot et galoches, regardait par la fenêtre la dame voilée qui se tenait près de la porte.

Dès que l’aide du suisse, un jeune garçon qu’Anna ne connaissait pas, eut entr’ouvert la porte, Anna entra et tirant de son manchon un billet de trois roubles, le lui glissa dans la main.

— Serioja… Serge Alexiévitch, prononça-t-elle, puis elle fit quelques pas en avant.

L’aide du suisse examina le billet, et arrêta la visiteuse à la seconde porte.

— Que désirez-vous ? dit-il.

Elle n’entendit pas ces paroles et ne répondit rien. Kapitonitch, remarquant le trouble de l’inconnue, s’avança lui-même vers elle, et la laissant franchir la porte lui demanda ce qu’elle désirait.