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plus en plus, mais je souffre doublement : je regrette notre amitié brisée, ou en tout cas affaiblie, car tu dois comprendre qu’il n’en saurait être autrement : et il sortit sur ces mots.

Vronskï, comprenant enfin l’inutilité de nouvelles tentatives, résolut de rester quelques jours à Pétersbourg, comme dans une ville étrangère, et d’éviter tout rapprochement mondain, afin de ne pas affronter les froissements si pénibles pour lui.

Une des choses qui lui furent le plus pénibles, à Pétersbourg, fut d’entendre partout son nom associé à celui d’Alexis Alexandrovitch. Chaque conversation finissait par rouler sur lui, et il ne pouvait aller nulle part sans le rencontrer ; c’est du moins ce qu’il semblait à Vronskï, de même qu’une personne qui a un doigt malade croit le heurter à tout.

Le séjour à Pétersbourg était encore rendu plus pénible à Vronskï, par suite de l’attitude d’Anna ; celle-ci en effet se trouvait dans une disposition d’esprit nouvelle et étrange pour lui : tour à tour passionnée et froide, elle était toujours irritable et énigmatique. Évidemment quelque chose qu’elle lui cachait, la tourmentait, et elle paraissait insensible aux froissements qui empoisonnaient la vie de Vronskï, et qu’avec sa finesse de perception ordinaire elle aurait dû sentir encore plus vivement que lui.