Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol17.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

proposait trente ans auparavant. Jadis elle ne songeait qu’à se parer, et le plus possible, maintenant elle cherchait à éviter le ridicule du contraste entre sa toilette et sa personne. Vis-à-vis d’Alexis Alexandrovitch, elle atteignait son but : elle lui paraissait attrayante. Pour lui elle était dans la foule brutale et moqueuse qui l’entourait l’unique refuge où il pût trouver de la bienveillance et de l’affection.

Franchissant la ligne des regards moqueurs, il se dirigeait tout naturellement vers son regard amoureux, comme la plante vers la lumière.

— Je vous félicite, dit-elle, portant son regard sur le ruban.

Retenant un sourire de plaisir, il souleva les épaules et ferma les yeux, comme pour dire que cela ne lui donnait aucune joie. La comtesse Lydie Ivanovna savait bien que cette distinction, sans qu’il en voulût convenir, était une de ses joies les plus vives.

— Que fait notre ange ? demanda-t-elle, pensant à Serge.

— Je ne puis dire que j’en sois très satisfait, répondit Alexis Alexandrovitch en soulevant les sourcils et ouvrant les yeux. Sitnikov ne l’est pas davantage (c’était le pédagogue chargé de l’éducation mondaine de Serge). Comme je vous le disais, je trouve en lui une certaine froideur pour les questions essentielles qui doivent toucher toute âme humaine et celle d’un enfant.