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Quand il vint la rejoindre, elle sanglotait.

Il chercha d’abord des paroles, non pour la persuader, mais pour la calmer ; mais elle ne l’écoutait pas et ne voulait rien admettre. Il se pencha vers elle et prit sa main qu’elle retira. Il baisa sa main, ses cheveux, et encore sa main. Elle se taisait toujours. Mais quand enfin il lui prit la tête entre ses deux mains et l’appela « Kitty ! » elle s’adoucit, pleura, et la réconciliation se fit aussitôt.

On décida de partir ensemble, le lendemain. Lévine jura à sa femme qu’il était persuadé qu’elle ne voulait partir que pour se rendre utile ; il admit qu’il n’y avait rien d’inconvenant à la présence de Marie Nikolaievna auprès de son frère, mais au fond de son âme il était mécontent d’elle et de lui-même. Il était mécontent d’elle qui l’empêchait de partir quand c’était nécessaire. Chose étrange, lui qui, récemment encore, ne pouvait croire au bonheur d’être aimé d’elle, maintenant se sentait malheureux parce qu’elle l’aimait trop ; et il était mécontent de lui-même pour n’avoir pas été ferme jusqu’au bout. Il était surtout mécontent du rapprochement inévitable entre sa femme et la maîtresse de son frère, et il pensait avec horreur à tous les incidents qui pouvaient se produire. La pensée seule que sa femme, sa Kitty, se trouverait dans la même chambre qu’une fille publique, le faisait frissonner de dégoût et d’horreur.