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changé. Un immense espace de prairie était complètement fauché et brillait d’un éclat nouveau et particulier ; les longues rangées de foin exhalaient déjà leur parfum aux rayons obliques du soleil vespéral ; autour du buisson, près de la rivière, tout était fauché ; la rivière elle-même, qu’on voyait à peine auparavant, étalait maintenant ses méandres qui brillaient comme de l’acier ; ça et là, les paysans se remuaient et se levaient ; plus loin se dressait la muraille d’herbe d’une place non fauchée, et les éperviers planaient au-dessus de la prairie dénudée ; cet ensemble communiquait au paysage un aspect tout à fait nouveau. Une fois éveillé, Lévine se mit à évaluer la quantité de travail fait et celle que l’on pourrait encore faire ce jour-là. Pour quarante-deux travailleurs, il y avait beaucoup de besogne de faite. Toute la grande prairie, qu’au temps du servage trente hommes mettaient deux jours à faucher, l’était déjà entièrement, sauf les coins et les rangs très courts. Mais Lévine désirait en faire ce jour-là le plus possible, et il en voulait au soleil de descendre si rapidement. Il ne ressentait aucune fatigue ; son seul désir était de travailler encore et encore et d’en faire le plus qu’il pourrait.

— Eh bien ! qu’en penses-tu ? Pouvons-nous faucher encore Machkine-Vierkh ? demanda-t-il au vieux.

— Si Dieu le permet, répondit celui-ci ; mais le