Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la rivière, d’autres se préparaient une place pour se reposer, d’autres encore détachaient les petits sacs de pain et ouvraient les cruchons de kvass. Le vieux émietta du pain dans sa cruche, le fit tremper avec le manche d’une cuiller, versa du liquide de sa cruche, coupa encore du pain, le sala, et se mit à prier en se tournant du côté de l’Orient.

— Eh bien, not’ maître, viens goûter ma soupe ? dit-il en se mettant à genoux devant la cruche. Lévine trouva la soupe si bonne qu’il résolut de ne pas aller manger à la maison. Il dîna avec le vieux et se mit à l’interroger sur ses affaires, auxquelles il prit la part la plus vive ; lui-même exposa au vieux ses projets et tout ce qui pouvait l’intéresser. Il se sentait plus près de lui que de son frère et, involontairement, il souriait de la sympathie qu’il éprouvait pour cet homme. Enfin, le vieux se releva, se signa puis alla se coucher à l’ombre du buisson après avoir placé de l’herbe sous sa tête. Lévine l’imita et malgré les mouches et les moucherons dont les piqûres étaient particulièrement fortes au soleil, et qui chatouillaient son visage et son corps couverts de sueur, il s’endormit aussitôt. Quand il s’éveilla, le soleil était déjà de l’autre côté du buisson et commençait à le chauffer. Depuis longtemps le vieux ne dormait plus, il était assis et affûtait les faux des jeunes paysans. Lévine regarda autour de lui et ne s’y reconnut pas tout d’abord tant l’aspect du paysage était