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sa perte. Il savait qu’une fois divorcée, elle vivrait avec Vronskï et que cette liaison serait illégitime et criminelle, puisque la femme, au sens même de la loi religieuse, ne peut se remarier tant que son mari est vivant. Elle se lierait avec lui et, dans une ou deux années, ou bien ce serait lui qui l’abandonnerait, ou bien elle qui contracterait une nouvelle liaison. Telle était l’opinion d’Alexis Alexandrovitch ; aussi, en accédant au divorce, illégitime, il se voyait l’auteur de sa perte. Cent fois déjà, il avait réfléchi à cela, et il s’était convaincu que non seulement le divorce n’était pas aussi simple que le disait son beau-frère, mais qu’il était absolument impossible. Aucune des paroles de Stépan Arkadiévitch n’avait sur lui d’influence, il n’essayait même pas de leur opposer d’objections ; il ne voyait en lui que l’interprète de cette force brutale qui le guidait dans le monde et dont il se sentait l’esclave.

— Toute la question se résume en ceci : Comment et sous quelles conditions consentirais-tu au divorce ? Elle ne désire rien, ne te demande rien, et s’en remet entièrement à ta bonté.

« Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi tout cela ? » pensa Alexis Alexandrovitch se souvenant des détails du divorce dans le cas où le mari assumait toute la responsabilité ; et du même geste que Vronskï, il cacha dans ses mains son visage couvert de honte.