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le renversa. En voulant se retenir au bord de la table, il laissa tomber le revolver, puis il chancela et s’affaissa sur le parquet en regardant avec étonnement autour de lui. Il ne reconnaissait pas sa chambre, ni les pieds contournés de la table, ni le panier à papiers, ni la peau de tigre qu’il regardait. Les pas de son domestique, accourant au salon, le firent se ressaisir. Il fit un effort de pensée et comprit qu’il était par terre, puis apercevant du sang sur la peau de tigre et sur ses mains, il eut conscience de s’être tiré un coup de revolver.

« Stupide ! je me suis manqué ! » prononça-t-il, en cherchant avec la main son arme. Le revolver était près de lui, mais il cherchait plus loin. En se penchant pour chercher de l’autre côté, il perdit l’équilibre et tomba de nouveau, baigné dans son sang.

Le valet, un garçon plein d’élégance, portant favoris, qui souvent s’était plaint à ses camarades de la faiblesse de ses nerfs, fut si effrayé à la vue de son maître gisant à terre, qu’il le laissa perdre son sang et courut chercher du secours.

Une heure après, Varia, la belle-sœur de Vronskï, arriva ; assistée de trois médecins, qu’on avait mandés de tous côtés et qui arrivaient tous au même moment, elle parvint à mettre le blessé dans son lit et resta près de lui pour le soigner.