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vait encore vivante, et lui rendrait les derniers devoirs s’il arrivait trop tard.

Cette résolution une fois prise il n’y pensa plus durant tout le voyage.

Fatigué et mal à l’aise à la suite de la nuit qu’il avait passée en chemin de fer, Alexis Alexandrovitch allait dans le brouillard matinal de Pétersbourg, sur la perspective Nevsky encore déserte ; il regardait devant lui sans penser à ce qui l’attendait. Il n’y pouvait songer sans être obsédé par l’idée que la mort de sa femme couperait court à toutes les difficultés de sa situation. Des boulangers, des boutiques fermées, des voitures de nuit, des portiers balayant le trottoir, tout cela passait inaperçu devant ses yeux, malgré tous les efforts qu’il faisait pour étouffer en lui l’idée de ce qui l’attendait, de ce qu’il s’efforcait, sans d’ailleurs y parvenir, de ne pas désirer. Il arriva enfin chez lui.

Une voiture de maître et une voiture de place dont le cocher dormait sur son siège se trouvaient près du perron. En entrant dans le vestibule Alexis Alexandrovitch sembla tirer du coin le plus lointain de son cerveau sa décision qui se résumait ainsi : «Si c’est un mensonge, je conserverai le calme le plus méprisant et je partirai ; si c’est la vérité, alors j’observerai les convenances. » Le concierge ouvrit la porte avant même qu’Alexis Alexandrovitch eût sonné. Cet homme, nommé Pétrov, ou