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passionné. Elle s’avança jusqu’à lui, ses bras se levèrent et retombèrent sur ses épaules.

Elle avait fait tout ce qu’elle pouvait : accourue vers lui, elle se donnait ainsi, tremblante et heureuse. Il l’étreignit et appuya ses lèvres sur la bouche qui cherchait son baiser.

Elle aussi n’avait pas dormi de la nuit et l’avait attendu toute la matinée. Ses parents étaient heureux de sa joie. Elle l’avait guetté, voulant être la première à lui apprendre son bonheur ; elle avait voulu le rencontrer seule, mais dans sa joie, dans sa confusion, elle ne savait elle-même ce qu’elle faisait. En entendant ses pas et sa voix, elle s’était cachée derrière la porte pour attendre que mademoiselle Linon fût sortie, puis, sans réfléchir, sans s’interroger davantage, elle était venue à lui.

— Allons trouver maman, dit-elle en lui prenant la main.

Longtemps il ne put proférer une parole, non pas qu’il craignît de diminuer par les mots l’intensité de son bonheur, mais parce que chaque fois qu’il voulait dire quelque chose, il sentait des sanglots s’étouffer dans sa gorge. Il lui prit la main et la baisa.

— Est-ce vrai ? fit-il enfin d’une voix sourde. Je ne puis croire que tu m’aimes.

Elle sourit à ce tutoiement et à la timidité de son regard.