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les bagues brillaient sous la lampe, sur le bras de Vronskï.

— Ce ne sera pas comme nous le pensons. Je ne voulais pas te le dire, mais tu m’y as forcée. Bientôt, bientôt tout sera fini, nous serons tous tranquilles et ne nous tourmenterons plus.

— Je ne comprends pas, dit-il, bien qu’il la comprît très bien.

— Tu demandes quand ce sera ? Bientôt… Et je n’y survivrai pas. Ne m’interromps pas.

Elle parlait précipitamment.

— Je le sens, j’en suis sûre. Je mourrai et j’en suis très heureuse ; pour vous comme pour moi ce sera la délivrance.

Les larmes débordèrent de ses yeux. Il s’inclina vers sa main qu’il couvrit de baisers en tâchant de cacher son émotion qu’il ne pouvait vaincre, bien qu’il la sentît sans fondement.

— Au reste, c’est ce qui peut arriver de mieux, dit-elle en lui serrant fortement la main. C’est la seule chose qui nous reste.

Il se ressaisit et releva la tête.

— Quelles soltises insensées dis-tu là ?

— Je dis la vérité.

— Quoi ? Qu’est-ce qui est la vérité ?

— Que je mourrai. J’ai eu un rêve.

— Un rêve ! reprit Vronskï.

Et aussitôt il se rappela le paysan qu’il avait vu lui-même en rêve.