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venir cet été, de Moscou, un Allemand, expert en comptabilité, qui, moyennant cinq cents roubles, avait mis à jour ses comptes et que de cette opération il résultait une perte constatée de trois mille et quelques roubles ; il ne se rappelait plus exactement le chiffre, mais il affirmait que l’Allemand avait poussé l’exactitude à un quart de kopek près.

La question, soulevée par Lévine, des avantages de l’exploitation de Sviajskï, fit sourire le propriétaire, qui certainement n’était pas sans savoir quel pouvait être le gain de son voisin le maréchal de la noblesse.

— Certes je ne prétends pas avoir un bien grand bénéfice, répondit Sviajskï, mais qu’est-ce que cela prouve ? Que je suis un mauvais propriétaire ou que je dépense mon capital afin d’augmenter la rente.

— La rente ! s’exclama Lévine avec effroi. J’admets à la rigueur qu’il existe une rente en Europe où la terre a été sérieusement améliorée par le travail, mais chez nous c’est l’inverse, le travail nuit à la terre qu’il épuise. Résultat : pas de rente !

— Comment pouvez-vous dire qu’il n’y a pas de rente ! C’est la loi !…

— Alors nous sommes hors la loi ! Le mot rente chez nous n’explique rien, c’est au contraire un prétexte à tout embrouiller. Non, mais expliquez-