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devant la table, il s’habilla sans bruit et sortit pour ne pas le déranger.

Tout homme dont l’existence comporte quelque complication, s’imagine volontiers qu’il est le seul qui soit obligé de faire face à ces difficultés ; il ne pense pas que les autres sont en butte à des embarras aussi complexes que ceux dont lui-même déplore la rencontre. Tel était l’état d’esprit de Vronskï ; celui ci en effet était persuadé, et cette conviction, bien qu’assez juste, n’était pas exempte d’une certaine pointe d’orgueil, que tout autre, à sa place, se serait égaré depuis longtemps pour sombrer finalement sur les écueils d’une situation aussi embrouillée. Cependant il sentait le moment opportun pour faire ses comptes et tirer au clair sa situation.

Il s’attaqua d’abord à la question d’argent, la jugeant plus facile. Il transcrivit de sa petite écriture fine, sur une feuille de papier, tout ce qu’il devait, il en fit le compte et se trouva débiteur de dix-sept mille et quelques centaines de roubles, qu’il laissa de côté pour avoir un chiffre rond. Ayant totalisé d’autre part son argent liquide et son carnet de chèques, il se rendit compte qu’il disposait, à l’heure actuelle, de dix-huit cents roubles ; or, jusqu’au nouvel an, il ne prévoyait pas de rentrées. Il se mit alors à étudier attentivement ses dettes qu’il transcrivit en les classant en trois catégories. Dans la première il plaça les plus pressantes, celles qu’il fallait se tenir prêt à payer au