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mière. Au même instant qu’elle, le valet de Vronskï, ressemblant à un chambellan de la cour, avec ses favoris bien peignés, entrait aussi. Il s’arrêta près de la porte et, se découvrant, la laissa passer. À sa vue, Anna se souvint que Vronskï avait dit la veille qu’il ne viendrait pas. C’était probablement pour s’excuser qu’il envoyait un mot. Pendant qu’elle se débarrassait de son manteau dans l’antichambre, elle entendit le valet dire, en affectant de ne pas prononcer les r, à la manière des chambellans : « De la part du comte à la princesse », et il remit le billet.

Elle eut envie de lui demander où était son maître et de retourner chez elle pour lui écrire de venir la voir ou elle-même d’aller chez lui, mais elle n’en eut pas le temps. La sonnette avait déjà annoncé son arrivée et le valet de la princesse Tverskaïa, faisant demi-tour à la porte d’entrée, attendait qu’elle pénétrât à l’intérieur de l’appartement.

— La princesse est au jardin, on vous annonce de suite. Ne désirez-vous pas venir au jardin ? demanda un second valet dans l’autre pièce.

Elle se sentait aussi indécise, aussi troublée que chez elle ; peut-être même cet état était-il encore aggravé par l’impossibilité où elle se trouvait de rien entreprendre ; elle ne pouvait voir Vronskï et il lui fallait rester ici, dans une société qui lui était totalement étrangère, et dont l’humeur était en