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prix qu’elle tirât profit de son crime. Cette seule pensée l’irritait au point qu’il poussa un cri de douleur ; il se leva et changea de place dans la voiture ; puis il demeura longtemps immobile, le visage empreint d’une expression de morne tristesse, le seul mouvement qu’il fit fut pour envelopper frileusement dans son plaid ses jambes maigres et osseuses.

« Le divorce à proprement parler étant écarté, reste la séparation, c’est là le moyen qu’ont employé Karibanov, Praskhaudine et ce bon Dramm, » continua-t-il, reprenant en même temps que son calme le cours de ses réflexions. Mais cette mesure était aussi scandaleuse que le divorce, et, en outre, comme dans ce dernier cas, c’était jeter sa femme dans les bras de Vronskï. « Non, c’est impossible, impossible ! prononça-t-il à haute voix en retournant son plaid. Il n’est pas admissible que je subisse toute la peine alors qu’elle et son complice jouiraient d’un bonheur parfait. » La jalousie qui l’avait cruellement torturé durant la période d’incertitude qu’il avait traversée, avait disparu au moment où, par l’aveu même de sa femme, il avait appris brutalement toute l’étendue de son malheur, mais à sa place s’était développé un autre sentiment : le désir non seulement de l’humilier mais de lui infliger quelque souffrance en punition de son crime.

Sans oser se l’avouer positivement, il souhaitait