Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Tu le devines ! répondit Lévine, en regardant fixement Stépan Arkadiévitch de ses yeux brillants et profonds.

— Je devine, en effet, mais je ne puis commencer le premier à en parler. Par cela seul, tu peux voir si je devine juste ou non, dit Stépan Arkadiévitch en regardant Lévine avec un sourire malicieux.

— Eh bien ! que me diras-tu ? demanda Lévine d’une voix tremblante, et sentant tressaillir tous les muscles de son visage. Comment envisages-tu cela ?

Stépan Arkadiévitch vida lentement son verre de Chablis sans quitter des yeux Lévine.

— Moi, fit-il, je ne désirerais rien autant que cela ! C’est, à mon avis, tout ce qui pourrait arriver de mieux.

— Mais, ne te trompes-tu pas ? Tu sais de qui nous parlons ? prononça Lévine en dévorant des yeux son interlocuteur. Penses-tu que c’est possible ?

— Je le pense. Pourquoi donc serait-ce impossible ?

— Quoi ! Vraiment ! Tu penses que c’est possible ? Non, dis-moi franchement ta pensée ! Eh bien ! et si j’essuie un refus ? Au reste, c’est là ma conviction…

— Pourquoi penses-tu cela ? dit Stépan Arkadiévitch, souriant de son émotion.