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les cabinets particuliers, où l’on dînait avec des femmes, parmi ce va-et-vient et ce bruit, ces bronzes, ces miroirs, ces lumières, ces Tatars et tout ce milieu qui l’offusquait. Il craignait de ternir la pureté du sentiment qui occupait toute sa pensée.

— Moi ? Oui, j’ai des soucis… Mais en outre, je me sens gêné ici, dit-il. Tu ne peux t’imaginer combien, avec mes habitudes campagnardes, tout cela me paraît étrange, comme les ongles de ce monsieur que j’ai vu chez toi.

— Oui, j’ai remarqué que les ongles de ce pauvre Grinévitch t’intéressaient beaucoup, dit en riant Stépan Arkadiévitch.

— C’est plus fort que moi, fit Lévine. Tâche de te mettre à ma place, regarde les choses de mon point de vue d’homme habitué à la campagne. Là-bas, nous tâchons d’entretenir nos mains en tel état qu’il soit commode de nous en servir, pour cela nous coupons nos ongles, parfois nous retroussons nos manches. Et ici, les hommes laissent exprès croître leurs ongles et pour être bien sûrs de ne pas pouvoir faire œuvre de leurs mains, ils s’accrochent aux poignets des soucoupes en guise de boutons.

Stépan Arkadiévitch sourit gaiement.

— Oui, cela prouve qu’il n’a besoin de se livrer à aucun travail grossier. Chez lui, c’est l’esprit qui travaille…

— Peut-être. Mais pour moi, c’est étrange ; de même je trouve bizarre qu’alors que les habitants