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pas lui faire le plaisir de donner aux plats leurs noms français.

— Avec des légumes… tu sais, répondit-il. Ensuite le turbot avec une sauce liée, ensuite… le rosbif : mais veille bien à ce qu’il soit à point… Puis après, un chapon, et après les conserves…

Le Tatar, connaissant la manie de Stépan Arkadiévitch de ne pas nommer les plats d’après le menu français, ne répétait pas après lui, mais il se donna la satisfaction de répéter le menu selon la carte : « Soupe printanière ; turbot sauce Beaumarchais ; poularde à l’estragon ; macédoine de fruits… », et aussitôt, comme mû par un ressort, il posa la carte dans une reliure, en prit une autre, celle des vins, et la tendit à Stépan Arkadiévitch.

— Eh bien ! Qu’allons-nous boire ?

— Tout ce que tu voudras, seulement peu ; du champagne, par exemple, dit Lévine.

— Comment ? Pour commencer ? Ah ! cependant, c’est vrai… Tu aimes le cachet blanc ?

— Cachet blanc ? — demanda le Tatar.

— Eh bien ! donne cette marque pour les huîtres et après on verra…

— Bien. Quel vin de table choisissez-vous ?

— Donne-nous du Nuits. Non, le classique Chablis, ce sera mieux…

— Entendu. Je vous servirai votre fromage ?

— Oui. Du parmesan… Ou peut-être en préfères-tu un autre ?