Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

droit de vous interroger, prononça-t-il rapidement.

— Pourquoi ? Non, je n’ai rien… répondit-elle froidement, et aussitôt elle ajouta :

— Vous n’avez pas encore vu mademoiselle Linon ?

— Pas encore.

— Venez la trouver. Elle vous aime tant !

« Que signifie cela ? Je l’ai contrariée. Seigneur, ayez pitié de moi ! » pensa Lévine en glissant vers la vieille gouvernante française, au visage encadré de boucles blanches, qui était assise sur un banc. Avec un sourire qui découvrit ses fausses dents, elle l’accueillit comme un vieil ami.

— Eh oui, nous grandissons et nous vieillissons, dit-elle en désignant des yeux Kitty. Tiny bear est devenue grande, continua la Française en riant et en faisant allusion à une ancienne plaisanterie de Lévine sur les trois sœurs qu’il appelait les trois oursons des contes anglais. Vous rappelez-vous quand vous disiez cela ?

Il ne se le rappelait nullement, mais la vieille gouvernante aimait cette plaisanterie et depuis dix ans s’en amusait.

— Eh bien ! Eh bien ! Allez patiner. Notre Kitty commence à être assez habile, n’est-ce pas ?

Quand Lévine revint vers Kitty, son visage n’était déjà plus sévère, ses yeux avaient repris leur franchise et leur douceur coutumières, mais Lévine crut voir dans cette douceur une nuance