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de cette famille. Lui-même ne se rappelait pas sa mère, sa sœur unique était plus âgée que lui, aussi était-ce dans la maison des Stcherbatzkï qu’il avait vu pour la première fois ce milieu instruit et honnête des vieilles familles aristocratiques, dont il avait été privé par la mort de son père et de sa mère. Tous les membres de cette famille, surtout l’élément féminin, lui semblaient entourés de quelque voile mystérieux et poétique, et non seulement il ne voyait en eux aucun défaut, mais sous ce voile poétique qui les couvrait, il supposait les sentiments les plus élevés et les perfections les plus grandes. Pourquoi ces trois demoiselles devaient-elles parler un jour le français, l’autre l’anglais, et à certaines heures jouer du piano, dont les sons montaient jusqu’à la chambre de leur frère où travaillaient les étudiants ? Pourquoi recevaient-elles des professeurs de littérature française, de musique, de dessin, de danse ? Pourquoi, à certaines heures, ces trois demoiselles allaient-elles avec mademoiselle Linon faire une promenade en voiture au boulevard Tverskoï en pelisses de soie, Dolly en pelisse longue, Natalie en pelisse demi-longue et Kitty en pelisse tout à fait courte, laissant voir ses petites jambes serrées dans des bas rouges bien tirés ; pourquoi leur fallait-il, accompagnées d’un valet coiffé d’un bonnet à cocarde d’or, se promener au boulevard Tverskoï ? Il ne comprenait point ces choses ainsi que beaucoup d’autres qui se passaient