Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mit-il à dire du ton de quelqu’un que l’on vient d’offenser. À certain point de vue, c’est un jeu : on joue au parlement ; or, je ne suis ni assez jeune, ni assez vieux pour m’amuser d’un jouet. D’autre part (il hésita), c’est un moyen pour la coterie de province d’amasser de l’argent. Autrefois il y avait les tutelles, les jugements, et maintenant ce sont les zemstvos, le pot-de-vin a fait place aux appointements injustifiés, dit-il avec chaleur comme si l’un des auditeurs l’eût contredit.

— Eh ! eh ! mais je vois que tu es dans une nouvelle phase, dans la phase conservatrice, fit Stépan Arkadiévitch. Mais laissons cela pour plus tard.

— Oui, plus tard. J’avais besoin de te voir, dit Lévine en regardant avec animosité la main de Grinévitch.

Stépan Arkadiévitch eut un sourire imperceptible.

— Mais comment donc ! tu avais dit que tu ne porterais plus jamais l’habit européen ! dit-il en regardant le costume neuf de son ami qui sortait évidemment de chez un tailleur français. Oui, oui, je le vois, tu es dans une nouvelle phase !

Lévine rougit soudain non pas à la manière d’un homme fait dont le visage se colore légèrement, mais comme un tout jeune homme qui se sent d’une ridicule timidité, et en éprouve un trouble plus grand encore, si bien qu’il rougit jusqu’aux larmes. Et c’était si étrange de voir dans cette attitude pué-