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donner à ses paroles l’intonation qu’il voulait.

— Ah ! mon Dieu ! J’avais pensé que nous n’irions pas, répondit la femme avec dépit.

— Comment ! Quand ?… Il eut une nouvelle quinte et fit un geste de la main.

Le prince leva son chapeau et s’éloigna avec sa fille.

— Oh ! oh ! soupira-t-il tristement. Oh ! le malheureux, le malheureux !

— Oui, papa, répondit Kitty, et il faut savoir qu’ils ont trois enfants, pas de domestiques et peu de ressources. Il reçoit quelque chose de l’Académie, racontait-elle avec animation, tâchant d’étouffer l’émotion qui la saisissait, à cause du changement d’attitude d’Anna Pavlovna.

— Ah ! voici madame Stahl, dit Kitty en désignant la petite voiture, où était étendu sur des coussins quelque chose de gris et de bleu, abrité d’une ombrelle. C’était en effet madame Stahl. Derrière elle, se tenait son conducteur, un Allemand bourru et bien portant qui poussait sa voiture, et, à côté, se trouvait un comte suédois, blond, que Kitty connaissait de nom. Quelques malades s’arrêtaient près de la voiture, regardant cette dame comme quelque chose d’extraordinaire.

Le prince s’avança vers elle, et Kitty vit aussitôt dans ses yeux une petite flamme de raillerie qui la rendit confuse.

Il s’approcha de madame Stahl et se mit à causer