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la promenade dans la montagne. Et la princesse remarqua que Kitty rougissait de nouveau.

— Kitty, n’y a-t-il rien eu de désagréable entre toi et les Pétrov ? demanda la princesse restée seule avec sa fille. Pourquoi a-t-elle cessé d’envoyer ses enfants et de venir chez nous ?

Kitty répondit qu’il n’y avait rien eu entre eux et qu’elle ne comprenait pas du tout pourquoi Anna Pavlovna paraissait fâchée contre elle. Kitty disait vrai, elle ignorait la cause du changement d’attitude d’Anna Pavlovna envers elle, mais elle le devinait. Et ce qu’elle devinait elle ne pouvait pas plus le dire à sa mère qu’elle ne pouvait se le dire à elle-même. C’était une de ces choses qu’on sent mais qu’on ne peut formuler, même à soi-même, tant il est horrible et honteux de se tromper.

Souvent et sans cesse, elle cherchait dans ses souvenirs quels avaient été ses rapports avec cette famille. Elle se rappelait la joie naïve qui s’était exprimée à leur rencontre sur le bon visage rond de madame Pétrov ; elle se souvenait de leurs conversations secrètes sur le malade, de leurs complots pour l’empêcher de travailler — ce qui lui était défendu — et le faire promener ; elle pensait à l’affection du petit garçon qui l’appelait « ma Kitty » et ne voulait pas aller se coucher sans elle. Mais il n’y avait rien de mal en tout cela ! Ensuite, elle se rappelait le visage amaigri de Pétrov, son long cou, dans son veston