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forte corpulence, aux larges épaules, à la barbe frisée, qui, sans ôter son bonnet d’astrakan, montait rapidement et avec agilité les marches usées de l’escalier de pierre. Un fonctionnaire maigre qui descendait, une serviette sous le bras, s’arrêta et regarda d’un œil peu bienveillant les jambes du visiteur, puis, d’un air interrogateur, se tourna vers Oblonskï.

Stépan Arkadiévitch se trouvait en haut de l’escalier. Sa bonne figure qui souriait au-dessus du collet brodé de son uniforme s’épanouit encore davantage quand il reconnut celui qui venait à lui.

— C’est bien lui ! Lévine ! enfin ! fit-il avec un sourire amical et railleur en toisant le nouveau venu qui s’avancait vers lui. Alors tu n’as pas craint de venir me trouver dans cette caverne ? poursuivit-il, et, non content de serrer la main de son ami, il l’embrassa affectueusement. Y a-t-il longtemps que tu es arrivé ?

— J’arrive à l’instant et je désirais vivement te voir, répondit Lévine en jetant autour de lui un regard timide dans lequel se lisaient le dépit et l’inquiétude.

— Eh bien, passons dans mon cabinet, dit Stépan Arkadiévitch, qui connaissait le caractère à la fois timide et fier de son ami. Et, le prenant par le bras, il l’entraîna derrière lui, comme s’il l’eût guidé à travers des dangers.

Stépan Arkadiévitch tutoyait presque toutes ses