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chacune lui semblait fausse et lui agaçait péniblement l’oreille.

Quand commença la course de quatre verstes avec obstacles, elle se pencha en avant et ne quitta pas des yeux Vronskï qui s’approchait du cheval et le montait, et en même temps elle écoutait la voix odieuse de son mari qui parlait toujours. Elle était saisie de crainte pour Vronskï mais elle était encore plus troublée des sons de la voix de son mari, dont elle connaissait les intonations et qui semblait ne pas vouloir s’arrêter. « Je suis une mauvaise femme, je suis une femme perdue, pensa-t-elle, mais je n’aime pas mentir, je ne supporte pas le mensonge, et sa nourriture à lui (son mari), c’est le mensonge. Il sait tout, il voit tout. Que sent-il donc s’il peut parler si tranquillement ? S’il me tuait, s’il tuait Vronskï, je le respecterais, mais non, il ne connaît que le mensonge et les convenances. » Elle ne savait au juste ce qu’elle voulait de son mari, quelle attitude elle désirait qu’il prît, elle ne comprenait pas que ce besoin de parler d’Alexis Alexandrovitch qui l’agaçait tant, n’était que l’expression de son trouble et de son inquiétude intérieurs. Un enfant qui s’est fait mal en sautant agite ses muscles pour étourdir sa douleur, de même l’exercice intellectuel était nécessaire à Alexis Alexandrovitch pour éviter de songer à sa femme, en sa présence et en celle de Vronskï, dont le nom revenait à chaque instant. Et de même qu’il est