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chose qui incitait à la joie et à la gaîté ceux qui se trouvaient avec lui. « Ah ! ah ! Stiva ! Oblonskï ! ah ! c’est lui ! » disait-on presque toujours avec un sourire joyeux quand on le rencontrait. Bien que parfois cette rencontre n’eût pas un résultat spécialement gai, on n’en éprouvait pas moins de plaisir à le rencontrer de nouveau, le lendemain. Depuis trois ans qu’il occupait le poste de chef d’une chancellerie de Moscou, Stépan Arkadiévitch s’était acquis le respect et l’affection de ses subordonnés et de ses chefs ainsi que de tous ceux qui avaient affaire à lui.

Ce qui lui valait surtout ce respect dans son service, c’était : tout d’abord, son extrême bienveillance basée sur la conscience de ses propres défauts, puis, son complet libéralisme, non pas celui des journaux qu’il lisait, mais celui qu’il avait dans le sang et qui le faisait se conduire avec une égale aménité envers tous, quels que fussent leurs titres ; enfin, et par-dessus tout, sa complète indifférence pour la besogne qui l’occupait, indifférence grâce à laquelle il conservait tout son sang-froid et ne commettait point d’erreurs.

Arrivé à son bureau, Stépan Arkadiévitch, accompagné du suisse portant respectueusement sa serviette, entra dans son cabinet, endossa son uniforme et passa dans la chancellerie. Tous les scribes et autres employés se levèrent et le saluèrent avec plaisir et déférence.