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Il ne restait que le dernier fossé plein d’eau, d’une largeur de deux archines. Vronskï ne le regardait même pas, mais, désirant arriver premier, il se mit à tirer sur les guides, suivant l’allure, en baissant et soulevant la tête du cheval. Il sentait que sa bête donnait ses derniers efforts, non seulement son cou et ses épaules étaient mouillés, mais son toupet, sa tête, ses oreilles pointues, ruisselaient de sueur, et sa respiration était rauque et courte ; cependant il savait que cet effort serait plus que suffisant pour les deux cents sagènes qui restaient. Mais par ce seul fait qu’il se sentait plus près du sol et que le mouvement était plus mou, Vronskï savait combien de vitesse avait donné son cheval. Il passa le fossé presque sans le remarquer ; elle l’avait franchi comme un oiseau, mais à ce même moment, Vronskï constata, avec horreur, sans en comprendre la cause, qu’il n’avait pas suivi le mouvement du cheval et venait de faire un mouvement impardonnable, en s’affaissant sur la selle. Tout à coup sa situation changea et il eut la sensation qu’il venait d’arriver quelque chose d’affreux. Il ne pouvait encore s’en rendre compte que déjà près de lui passaient les pieds blancs du trotteur roux, et Makhotine au galop le dépassait. Vronskï tomba, une jambe sur le sol, et sa monture s’affaissa par-dessus lui. À peine avait-il eu le temps de dégager sa jambe que l’animal roulait de côté en râlant péniblement et faisant pour se relever de vains