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et sa tendresse pour Froufrou grandissaient. Il voulait se retourner mais il n’osait le faire et tâchait de se calmer, de ne pas trop stimuler son cheval, pour lui garder des forces régulières, et calmes, comme celles qu’il sentait en Gladiateur. Il ne restait qu’un obstacle et le plus difficile. S’il le passait le premier il était vainqueur. Il s’approchait de la banquette irlandaise. Déjà, de loin, avec Froufrou, il avait vu cette banquette et à tous deux, à lui et au cheval, venait un doute momentané. Il remarqua de l’indécision dans les oreilles du cheval et leva sa cravache. Mais aussitôt il sentit que le doute était mal fondé : le cheval savait ce qu’il fallait. Il fit un effort, et lentement, précisément comme il le supposait, il se souleva, et quittant la terre, s’abandonna à la force d’inertie qui le transporta loin derrière le fossé, et de la même allure, sans efforts sur le même pied, Froufrou continua la course.

— « Bravo, Vronskï ! » disaient des voix d’hommes.

Il savait que c’étaient des amis de son régiment qui se trouvaient près de cet obstacle. Il reconnaissait sans peine la voix de Iachvine mais ne le voyait pas.

— « Oh ! mon amour ! » disait-il en lui-même à Froufrou, en écoutant ce qui se passait derrière lui.

— « Il l’a passé ! » pensa-t-il en entendant derrière lui les pas de Gladiateur.