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toi-même, sans aucune raison, tu fais cadeau, à ce coquin, de trente mille roubles.

— Alors quoi ? faut-il compter chaque arbre ?

— Parfaitement. Et toi tu n’as pas compté tandis que Riabinine a compté ! Les enfants de Riabinine auront de quoi vivre, de quoi s’instruire, et les tiens ne l’auront peut-être pas.

— Permets-moi de te dire qu’il y a quelque chose de mesquin dans ce calcul. Nous avons nos occupations, ces gens ont les leurs ; ils doivent gagner leur vie. Mais, l’affaire est terminée, et voilà mon omelette préférée… et Agafia Mikhaïlovna nous donnera de cette excellente eau-de-vie…

Stépan Arkadiévitch s’assit à la table et se mit à plaisanter avec Agafia Mikhaïlovna, jurant n’avoir pas mangé depuis longtemps tel dîner et tel souper.

— À la bonne heure, au moins, vous faites des compliments, dit Agafia Mikhaïlovna ; Constantin Dmitritch, qu’on lui donne ce qu’on voudra, même une croûte de pain, il mange et s’en va sans rien dire.

Malgré tous ses efforts, Lévine restait sombre et taciturne. Il avait le désir de poser une question à Stépan Arkadiévitch, mais il ne pouvait s’y résoudre et ne trouvait ni les mots ni le moment favorable.

Stépan Arkadiévitch était descendu dans sa chambre. Il se déshabillait, se lavait, prenait sa chemise de nuit plissée et se couchait ; mais Lévine restait toujours dans sa chambre, causant de