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suader de voir un médecin et d’aller aux eaux à l’étranger.

Il s’y prit si bien que, sans blesser son frère, il parvint à lui faire accepter l’argent du voyage, et, sous ce rapport, il était content de lui. En dehors de l’exploitation agricole qui exigeait au printemps des travaux particuliers, en outre de la lecture, Lévine, pendant l’hiver, avait entrepris un travail sur l’exploitation, dont le plan se résumait à ceci : que le travail de l’ouvrier, dans l’exploitation, soit accepté comme une donnée absolue, au même titre que le climat et la terre, et que toutes les propositions de la science qui sont tirées seulement des données de la terre et du climat, envisagent aussi le caractère connu, immuable, de l’ouvrier. De sorte que, malgré la solitude, ou peut-être en raison de la solitude, sa vie était extrêmement remplie ; il n’éprouvait que rarement le désir, et sans le satisfaire, de communiquer à quelqu’un les idées qui germaient dans sa tête, sauf à Agafia Mikhailovna avec qui il lui arrivait assez souvent de discuter sur la physique, sur les théories d’économie rurale et surtout sur la philosophie. La philosophie était le thème favori d’Agafia Mikhailovna.

Le printemps fut assez tardif. Les dernières semaines du carême, le temps fut clair, mais froid. Pendant la journée, la neige fondait au soleil, et la nuit la température descendait à 7° au-dessous de 0°. La croûte de glace était si ferme qu’on allait