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venaient se greffer, maintenant, le refus et cette situation misérable dans laquelle il avait dû se présenter aux hôtes pendant cette soirée. Mais le temps et le travail font leur œuvre. Ces souvenirs pénibles étaient atténués pour lui par les événements inaperçus, mais importants de la vie rurale. De semaine en semaine il pensait de moins en moins à Kitty. Il attendait avec impatience qu’on lui annonçât son mariage, espérant que cette nouvelle, comme l’extraction d’une dent, le guérirait radicalement.

Le printemps arriva dans toute sa splendeur, sans retard ni fausses promesses, un de ces rares printemps qui réjouissent les plantes, les animaux et les hommes. Ce beau printemps affermit encore plus Lévine dans son intention de renoncer à tout le passé pour arranger d’une façon définitive sa vie solitaire. Bien qu’il n’eût pas réalisé tous les plans avec lesquels il était revenu à la campagne, il observait cependant celui qu’il s’était tracé comme le principal, la pureté de la vie. Il n’éprouvait pas cette honte qui le tourmentait ordinairement lorsqu’il avait succombé et il pouvait hardiment lever la tête.

Encore en février, il avait reçu une lettre de Maria Nikolaievna lui donnant des nouvelles de la santé de son frère : Nicolas allait plus mal et ne voulait pas se soigner. Cette lettre décida Lévine à aller à Moscou chez son frère. Il réussit à le per-