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donné le mot. Je ne sais pourquoi cette phrase leur a tant plu.

La conversation étant interrompue par cette observation, il fallait de nouveau trouver un thème.

— Racontez-nous quelque chose d’amusant mais de pas méchant, dit la femme de l’ambassadeur, grande virtuose de cette conversation élégante, que l’on surnomme en anglais small-talk ; elle s’adressait au diplomate qui ne savait lui non plus par quoi commencer.

— On dit que c’est très difficile, que seules les choses méchantes sont drôles, fit-il avec un sourire ; cependant j’essayerai, donnez-moi un sujet. Tout est dans le sujet ; si le canevas est donné, broder est déjà facile. Je pense souvent que les célèbres causeurs du siècle passé seraient maintenant fort embarrassés de causer avec esprit. Toutes les choses spirituelles sont maintenant si ennuyeuses…

— On l’a dit depuis longtemps, l’interrompit en riant la femme de l’ambassadeur.

La conversation commençait d’une façon charmante, mais précisément, parce qu’elle l’était trop, elle cessa de nouveau. Il fallut avoir recours à un moyen infaillible, la médisance.

— Vous ne trouvez pas que Toutchevitch a quelque chose de Louis XV ? dit-il en désignant des yeux un beau jeune homme blond près de la fenêtre.

— Oh ! oui, il est de même style que le salon, c’est pourquoi il vient si souvent ici.