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— Le comte Vronskï, prononça Anna.

— Ah ! il me semble que nous nous connaissons, dit avec indifférence Alexis Alexandrovitch en lui tendant la main. Tu es partie avec la mère et tu reviens avec le fils, dit-il en martelant chaque syllabe. Vous rentrez probablement de congé ? dit-il, et, sans attendre la réponse, il s’adressa à sa femme d’un ton ironique :

— Eh bien, a-t-on versé beaucoup de larmes à Moscou pour la séparation ?

En parlant ainsi à sa femme, il laissait comprendre à Vronskï qu’il désirait rester en tête-à-tête avec elle ; et, touchant son chapeau, il lui tourna le dos. Mais Vronskï s’adressa à Anna Arkadiévna.

— J’espère avoir l’honneur de vous faire une visite, dit-il.

Alexis Alexandrovitch lui jeta un de ses regards fatigués.

— Enchanté, dit-il froidement. Nous recevons le lundi.

Là-dessus, donnant définitivement congé à Vronskï, il s’adressa à sa femme.

— Quelle chance d’avoir eu précisément cette demi-heure de liberté pour venir te chercher et te prouver ainsi ma tendresse, dit-il d’un ton plaisant.

— Tu soulignes vraiment trop ta tendresse pour que je l’apprécie beaucoup, dit-elle du même ton