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la frappaient. Dès qu’il l’aperçut il alla à sa rencontre, les lèvres pincées dans son sourire moqueur habituel et la regardant en face avec ses grands yeux fatigués. Une sensation pénible lui serra le cœur quand elle rencontra son regard fixe et fatigué, comme si elle se fût attendue à le trouver tout autre.

Elle se sentait surtout mécontente d’elle-même en se retrouvant en sa présence. Ce sentiment ne lui était pas inconnu car elle avait toujours éprouvé une certaine gêne dans ses relations avec son mari, mais jamais encore elle ne s’en était rendu compte si nettement ; aussi en fut-elle péniblement affectée.

— Oui, tu vois que je suis un mari tendre comme la première année de notre mariage ; je brûlais du désir de te revoir, lui dit-il de sa voix lente, et de ce ton moqueur dont il lui parlait toujours, comme s’il voulait tourner en ridicule ceux qui parlaient ainsi.

— Sérioja va bien ? demanda-t-elle.

— C’est là toute la récompense de mon ardeur ? dit-il. Il se porte bien, très bien.