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respira encore une fois, et sortait déjà la main de son manchon pour saisir la poignée et remonter dans le wagon quand la lumière vacillante du réverbère lui fut cachée par un monsieur en capote militaire.

À ce moment elle se retourna et reconnut le visage de Vronskï. La main à la visière de sa casquette, il s’inclina devant elle, et lui demanda si elle n’avait besoin de rien, s’il ne pouvait lui être utile. Sans rien répondre, elle le regarda longtemps, fixement, et, malgré l’ombre où il se tenait, elle vit, ou il lui sembla voir, l’expression de son visage et de ses yeux.

C’était encore cette expression d’admiration respectueuse qui l’avait tant impressionnée la veille. Ces derniers jours, elle s’était dit plusieurs fois, et elle venait de se répéter encore quelques instants auparavant, que pour elle Vronskï était un de ces jeunes gens, dont il existe des centaines, tous semblables, que l’on rencontre partout et qu’elle ne se permettrait jamais même de penser à lui. Mais, maintenant, au premier moment de sa rencontre avec lui, un sentiment de fierté joyeuse la saisit. Il n’était pas nécessaire de demander pourquoi il était ici, elle le savait aussi sûrement que s’il le lui eût dit : il était là pour être où elle était.

— Je ne savais pas que vous partiez aussi ? Pourquoi partez-vous ? dit-elle en abaissant la main déjà prête à saisir la poignée. Et son visage