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et apportant avec elle l’odeur fraîche du dehors. Elle s’approcha de son maître, glissa la tête sous sa main avec un gémissement plaintif, mendiant des caresses.

— Il ne lui manque que la parole, dit Agafia Mikhaïlovna. Ce n’est qu’une bête, et pourtant elle comprend que le maître est de retour et qu’il s’ennuie.

— Pourquoi dis-tu que je m’ennuie ?

— Ah ! est-ce que je ne le vois pas, petit père ! Il est temps que je connaisse mes maîtres ; depuis mon enfance je suis à leur service. Ce n’est rien, petit père. Il n’y a de nécessaire que la santé et une conscience sans reproche.

Lévine la regardait attentivement, étonné qu’elle eût si bien compris sa pensée.

— Eh bien ? faut-il encore du thé ? demanda-t-elle ; et prenant les tasses, elle sortit.

Laska tenait toujours sa tête sous sa main. Lui la caressait ; elle se coucha en rond à ses pieds, la tête appuyée sur ses pattes de derrière, puis tranquille désormais, elle ouvrit un peu la gueule, glissa la langue entre ses vieilles dents, claqua des lèvres et s’installa en un repos plein de béatitude. Lévine regarda attentivement son dernier mouvement.

— C’est cela, dit-il. J’en ferai autant. C’est comme moi, tout à fait comme moi ! Allons ce n’est rien… Tout ira bien.