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XXIV

« Oui, il y a en moi quelque chose de répulsif », pensait Lévine en quittant les Stcherbatzkï et se dirigeant à pied chez son frère. « Oui, je ne suis pas bon pour mon prochain. Orgueil, dira-t-on !… Non, je n’ai pas d’orgueil. Si j’en avais eu je ne me serais pas mis en pareille posture. » Et il se représentait Vronskï heureux, bon, intelligent, assuré, incapable, certainement, de jamais se mettre dans la situation où lui-même se trouvait ce soir. « Oui ! elle devait le préférer. C’était fatal, et je n’ai pas raison de me plaindre. Je suis seul coupable ; avais-je le droit de penser qu’elle voudrait unir sa vie à la mienne ? Qui suis-je, et que sais-je ? Un homme nul, inutile. » Et il pensait à son frère Nicolas, s’arrêtant avec joie à ce souvenir. « N’a-t-il pas raison lorsqu’il dit que tout au monde est mauvais et vilain ? Certes nous sommes injustes envers Nicolas. Sans doute, à son point de vue, Prokofi, qui l’a vu