Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous. Elle se rappela l’amour de celui qu’elle aimait, et de nouveau, son âme devint joyeuse, et avec un sourire de bonheur, elle appuya sa tête sur l’oreiller : « C’est triste, oui c’est triste, mais que faire ? Je ne suis pas coupable », se disait-elle. Pourtant une voix intérieure l’inquiétait. Elle ne savait si elle devait se repentir d’avoir attiré Lévine ou de l’avoir repoussé, et son bonheur était empoisonné de ce doute. « Seigneur ayez pitié de moi ! Seigneur ayez pitié de moi ! Seigneur ayez pitié de moi ! » se répétait-elle, sans pouvoir parvenir à s’endormir. Au même moment, en bas, dans le petit cabinet du prince, il se passait une scène comme il avait coutume de s’en produire entre les parents de Kitty au sujet de leur fille préférée.

— Comment ? ce qu’il y a ! criait le prince en agitant les bras et en croisant sa robe de chambre fourrée. Il y a que vous n’avez ni fierté, ni dignité ; il y a que vous perdez votre fille par cette sotte et répugnante course au mari.

— Mais au nom du ciel, prince, expliquez-vous, qu’ai-je fait ? disait la princesse les larmes aux yeux.

Toute heureuse de la conversation qu’elle venait d’avoir avec sa fille, elle était venue chez le prince, comme à l’ordinaire, pour lui dire bonsoir, et bien qu’elle n’eût pas l’intention de parler de la demande de Lévine ni du refus de Kitty, elle fit cependant allusion à Vronskï, disant que l’affaire lui semblait