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qui se préparait à quitter son mari, son inquiétude pour sa fille cadette absorbait tous ses autres sentiments. Aujourd’hui, l’apparition de Lévine avait éveillé en elle un autre souci : elle craignait que sa fille, qui, lui semblait-il, pendant un temps, avait eu quelque penchant pour Lévine, ne refusât Vronskï par un scrupule excessif, bref que l’arrivée de Lévine n’embrouillât l’affaire si près d’aboutir.

— Est-il arrivé depuis longtemps ? demanda la princesse au sujet de Lévine, tout en revenant à la maison.

— Aujourd’hui, maman.

— Je veux te dire une chose… commença la princesse, et à son visage sérieux et animé Kitty devina de quoi il s’agissait.

— Maman, dit-elle en rougissant et se tournant vivement vers elle, je vous en prie, je vous en prie, ne me dites rien… je sais, je sais tout.

Elle désirait la même chose que sa mère, mais les motifs du désir de sa mère la blessaient.

— Je veux dire seulement qu’en donnant de l’espoir à l’un…

— Maman, chère maman, au nom de Dieu, ne parlez pas. C’est si terrible d’en parler.

— Je n’en parlerai pas, dit la mère en voyant des larmes dans les yeux de sa fille. Dis-moi une seule chose, mon aimée : tu m’as promis de ne pas avoir de secrets pour moi… Tu n’en auras pas ?

— Jamais, maman, je n’aurai aucun secret, ré-