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s’est fabriqué certains raisonnements quasi-philosophiques qui, soi-disant, la légitiment. Mais précisément ces fondements théoriques, comme s’exprime M. Bounakov, et, par hasard, tout à fait justement, ne peuvent être regardés comme une base, car le vieux système d’enseignement avait absolument le même fondement théorique.

Et la question réelle, essentielle, de la pédagogie que depuis quinze ans je tâche de montrer dans toute son importance, cette question : Qu’enseigner et comment enseigner ? n’a même pas été effleurée. La conséquence c’est qu’aussitôt qu’il devint évident que l’ancien système n’était pas bon, on n’a pas cherché quel système serait meilleur ni pourquoi, mais aussitôt on s’est mis à la recherche d’un autre moyen qui soit le plus possible en contradiction avec l’ancien. On a agi comme un homme qui, l’hiver, ayant froid dans sa maison, sans chercher les causes du froid et le moyen d’y remédier, irait chercher une autre maison différant le plus possible de la sienne.

Alors que je me trouvais à l’étranger, je me rappelle avoir rencontré, par toute l’Europe, des ambassadeurs cherchant une nouvelle croyance, c’est-à-dire des fonctionnaires du Ministère de l’Instruction publique qui étudiaient la pédagogie allemande[1].

  1. Allusion à une légende historique racontée dans les Annales où il est dit que le prince Vladimir de Kiev, alors païen, envoya des ambassadeurs dans divers pays à la recherche d’une nouvelle religion. N. d. T.