Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/445

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comment un si vieux putiet avait pu croître là. Nous le coupâmes et continuâmes notre besogne.

Plus loin, dans le fourré opposé, nous trouvâmes un autre putiet, au moins aussi grand et même plus épais que le premier.

J’examinai ses racines et vis qu’il poussait sous un vieux tilleul. Comme le tilleul l’aurait étouffé de son ombre, le putiet avait lancé, à cinq archines, son tronc couché au ras du sol, et là, arrivé à la lumière, il avait redressé la tête, et s’était mis à fleurir.

Je le coupai à la racine et fus étonné de voir comment l’arbre était frais et la racine pourrie. Après l’avoir coupé, je voulus l’emporter, aidé des paysans ; mais loin de le tirer, nous ne pûmes pas même bouger de place ; il semblait collé. Je dis :

— Vois donc si nous ne sommes pas accrochés quelque part.

L’ouvrier se glissa dessous et s’écria :

— Mais il y a une autre racine ; la voilà sur le chemin, là.

Je m’approchai et reconnus qu’il disait vrai.

Pour ne pas être étouffé par le tilleul, le putiet, s’en écartant, s’était porté sur le chemin à trois archines de la racine primitive. La racine que j’avais coupée était sèche et pourrie, mais la nouvelle était toute fraîche. Il avait évidemment senti qu’il ne vivrait pas sous le tilleul ; et, s’étendant, s’accrochant au sol par un rejeton, il s’en était fait une