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étaient descendus de cheval et l’assommaient à coups de crosses sur la tête. Sa vue se troubla ; il chancela.

Les Tatars le saisirent, tirèrent des cordes de leurs selles, lui attachèrent les mains derrière le dos, avec leur nœud spécial, et l’entraînèrent vers les chevaux. On lui arracha son bonnet, on lui retira ses bottes, on le fouilla, on lui prit son argent et sa montre, et on lui déchira ses habits. Jiline regarda du côté de son cheval ; il vit la pauvre bête, étendue sur le flanc, agitant les pieds, sans pouvoir reprendre le sol. Un sang noir coulait à flots d’un énorme trou au front, la poussière en était trempée sur une archine de surface.

Un Tatar s’approcha du cheval et lui ôta sa selle. La pauvre bête se débattait toujours. L’homme tira son poignard et lui coupa la gorge. Un sifflement se fit entendre, le cheval tressaillit, puis demeura immobile.

Les Tatars enlevèrent le reste du harnachement. On hissa Jiline en croupe du Tatar roux, auquel, pour qu’il ne tombât pas, on l’attacha avec une courroie de cuir, et on l’emmena dans la montagne.

Jiline, secoué, heurtait à chaque instant de son visage le dos puant du Tatar. Il ne voyait devant lui que ce dos large, surmonté d’un cou musculeux et d’une nuque rasée, bleuie, sous le bonnet. Le crâne de Jiline était tout meurtri, et le