Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

princesse, cultivèrent le mûrier et élevèrent les vers à soie.


Tante raconte à grand’mère comment le brigand Emelka Pougatchev lui donna dix kopeks.
Histoire vraie.

J’avais alors huit ans ; nous habitions notre domaine de la province de Kazan. Je me rappelle que mon père et ma mère étaient très inquiets et parlaient souvent de Pougatchev. Mais j’appris bien plus tard ce qu’était ce brigand de Pougatchev. Il se faisait passer pour le tzar Pierre III. Il avait réuni sous ses ordres un grand nombre de bandits qui pendaient tous les nobles et libéraient tous les serfs. On disait qu’il était déjà avec sa bande, tout près de chez nous. Mon père avait l’intention de partir à Kazan, mais il n’osait pas nous emmener, nous autres enfants, car le froid était très vif et les routes mauvaises. On était en novembre et les routes étaient dangereuses. Mon père et ma mère firent leurs préparatifs pour aller à Kazan, et promirent de ramener de la ville des Cosaques pour nous protéger. Ils partirent et nous restâmes seuls avec notre vieille bonne Anna Trophimovna, et nous logeâmes tous dans la même chambre au rez-de-chaussée.

Je me rappelle qu’un soir, la vieille bonne berçait ma sœur dans ses bras et marchait de long en