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jour, deux tailleurs vinrent chez lui et lui dirent :

— Nous pouvons te faire un habit si beau que jamais homme n’en posséda un pareil, seulement quiconque est sot ou indigne de ses fonctions ne peut distinguer cet habit. Celui qui est intelligent le verra parfaitement, tandis que celui qui est sot restera à côté sans voir l’habit que nous aurons confectionné.

Le tzar, ravi de cette proposition des tailleurs, leur commanda l’habit.

On donna aux tailleurs une chambre dans le palais, on leur fournit du velours, de la soie, de l’or, enfin tout ce qu’il faut pour confectionner un habit.

Huit jours s’écoulèrent. Le tzar chargea son ministre de s’informer si le nouvel habit était prêt. Le ministre arriva et demanda l’habit. Les tailleurs répondirent qu’il était prêt et désignèrent une place vide.

Le ministre, sachant que les hommes sots ou indignes de leurs emplois ne pouvaient voir cet habit, feignit de le voir et complimenta les tailleurs. Le tzar se fit livrer l’habit. On le lui apporta et on lui désigna une place vide. Il feignit, à son tour, de le voir. Il ôta celui qu’il portait et ordonna qu’on le revêtit de ce riche habit.

Quand le tzar sortit ainsi se promener dans la ville, tout le monde croyait que le tzar n’avait pas d’habit, mais personne n’osait le dire, ayant entendu dire que les sots seuls ne pouvaient voir le